IVG : Vers une Europe pro-vie ?

30 May 2017 /

Tandis que le parlement polonais introduit de nouvelles mesures anti Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), le droit à l’avortement est en danger sur le vieux continent.

Un constat alarmant

Ce jeudi 25 mai, en Pologne, les députés conservateurs du PIS (Parti Droit et Justice), majoritaires au Parlement, ont voté un projet de loi selon lequel la pilule du lendemain ne serait désormais accessible que sur prescription médicale. Dans un pays très catholique et conservateur, l’application d’une mesure visant à restreindre drastiquement l’utilisation d’un contraceptif d’urgence, est un pas supplémentaire vers la possible interdiction de l’IVG. En effet, le 22 septembre dernier, les autorités polonaises se sont déjà montrées favorables à l’adoption d’un projet de loi prévoyant l’interdiction pure et simple de l’IVG, pourtant autorisée depuis 1993.En signe de protestation, plus de 100 000 femmes ont crié leur colère face à une telle injustice lors de deux manifestations, dont celle du 24 octobre 2016, plus connue sous le nom de Black Monday (Lundi noir). Pour l’heure, là-bas, la grossesse ne peut être interrompue que dans trois cas : lorsque le foetus présente des malformations graves, lorsque la santé de la mère est menacée, ou encore, lorsque l’enfant est issu d’un inceste ou d’un viol. La bataille semble donc loin d’être remportée.

Hélas, la Pologne n’est pas le seul pays où le droit à l’avortement est menacé. Il en va de même pour la Hongrie, la Croatie et même l’Espagne, où, depuis le 9 novembre 2015, les mineures ne peuvent avorter sans le consentement de leurs parents. Autant d’exemples qui rappellent combien ce droit est fragile, même au sein de l’Union européenne.

Un incontestable retour en arrière

  Dans une Europe de plus en plus conservatrice, séduite par les extrêmes et où l’héritage de l’Église semble peser encore beaucoup, notamment dans les pays de l’est, une chose est sûre, avorter ne va pas de soi.

En effet, depuis mai 2012, les partisans pro-vie de l’Europe entière apportent leur soutien au collectif One of Us (Un de nous), une fédération d’associations qui se dit unie pour la vie et la dignité humaine. Cette fédération est à l’origine d’une pétition réclamant l’arrêt des financements européens à destination des ONG pratiquant l’avortement, qui a recueilli plus de deux millions de signatures. Toutefois, la Commission européenne a rejeté cette initiative, légiférer sur l’avortement n’étant pas partie intégrante des compétences de l’Union pour le moment.

Ainsi, les opposants à l’avortement se font de plus en plus nombreux en Europe. En bref, avorter semble de plus en plus relever d’un acte immoral, voire criminel. Preuve en est, en Italie par exemple, 80 % des médecins refusent de pratiquer l’IVG, invoquant une clause de conscience, c’est -à -dire un droit de refuser un acte médical légal pour des raisons éthiques ou parce l’acte est contraire aux convictions du praticien. L’époque de la libération de la femme et des grandes manifestations féministes paraît décidément révolue… L’Europe semble plutôt revenir aux temps des faiseuses d’anges et des avortements clandestins, comme c’est le cas en Irlande où la majorité des femmes sont contraintes d’avorter à l’étranger, sans quoi elles doivent payer entre 600 et 2000 euros.

Quant à Malte, où 98% de la population est catholique, l’avortement demeure passible de 18 mois à 3 ans de prison, même en cas de viol ou de risques pour la santé, selon Euronews. Reste cependant que la pilule du lendemain a été légalisée il y a de cela trois mois : « Pour moi et la majorité de la population à Malte qui pensent que la vie démarre dès la conception, il est inconcevable que l’on tue un être humain parce qu’il n’est pas désiré. », déclare Paul Vincenti, une des figures de proue du mouvement maltais pro-vie Gift of Life. Le message est sans appel. Seule la France paraît faire exception à la règle. Depuis la loi Veil de 1975, le pays mène une des politiques les plus libérales sur ce terrain. Mais alors, pourquoi un tel recul ?

Une question taboue ?

Vicky Clayes, directrice de la Fédération internationale pour le Planning familial, interviewée dans le cadre d’une émission sur l’avortement diffusée sur Arte le 16 mars 2015, déplore la stigmatisation des femmes désireuses d’interrompre une grossesse non désirée ainsi que les pressions sociales que subissent certaines d’entre elles : « L’avortement reste stigmatisé, ce qui en fait une question taboue et politique. Il faut que les médias abordent ce sujet normalement, idem pour les femmes et les professionnels de santé. Car le mutisme de la société laisse de plus en plus la voie libre aux conservateurs. », confie t-elle.  Les femmes ayant subi un avortement seraient-elles encore perçues comme autant de salopes en Europe, à l’image du manifeste signé par 343 salopes françaises, paru dans le Nouvel Observateur en avril 1971 ? À l’époque, des célébrités telles que Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Gisèle Halimi ou encore Françoise Sagan clamaient haut et fort s’être fait avorter dans des conditions dangereuses : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France (…). On fait le silence sur ce million de femmes. Je déclare être l’une d’entre elles. Je déclare avoir avorté ». Leurs revendications en faveur du libre accès aux moyens anticonceptionnels et à l’avortement libre ont abouti, quatre ans plus tard, à une avancée majeure pour le droit des femmes en France : la légalisation de l’avortement.

En tant que femme, je pense qu’il serait bon de rappeler aux gouvernements européens conservateurs que comme le rappelait très justement Simone Veil à l’Assemblée Nationale le 26 novembre 1974, « Aucune femme ne recourt de gaité de coeur à l’avortement. C’est toujours un drame. Cela restera toujours un drame. »

 

Juliette Le Maguer est étudiante en Master en traduction Anglais-Espagnol à l’ULB.

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