DiEM25, un mouvement progressiste, paneuropéen et transnational (1/2)

14 April 2018 /

Aujourd’hui, nous vous proposons la première interview de mouvements transnationaux et paneuropéens. Ces entretiens aborderons des questions programmatiques pour les élections à venir, mais aussi d’actualité comme le récent rejet des listes transnationales par une majorité du Parlement européen.

DiEM25 (en anglais : Democracy in Europe Movement 2025) est un mouvement politique pan-européen lancé en 2015 et présenté officiellement en février 2016 par l’ex-ministre des Finances grec Yanis Varoufakis. Bonne lecture !

EoE : Pourquoi un parti transeuropéen ? Quelle est votre vision du fédéralisme européen ?

DiEM25 Belgium : DIEM 25 est un mouvement politique, pas un parti politique. Il s’agit d’une composante importante de notre mouvement, et nous ne souhaitons pas revenir là-dessus. Dans ce sens, l’Europe a vraiment un besoin urgent de réhabilitation démocratique. Ce n’est pas le rôle d’un parti politique, fonctionnant dans le cadre de structures politiques, mais d’un mouvement qui imprègne à la fois l’arène politique et la société dans son ensemble.

En novembre dernier, nos membres ont toutefois décidé, par un vote interne, que nous devions également développer une « aile électorale » afin de proposer notre agenda progressiste pour l’Europe lors d’élections. L’aile électorale est chargée de coordonner notre participation aux élections à travers l’Europe. Ces expressions électorales de notre mouvement se présentent parfois sous la forme d’alliances avec des forces politiques existantes (Razem en Pologne, Alternativet au Danemark, Generation.s en France, LIVRE au Portugal) ou de partis autonomes DiEM25, comme MeRA25 en Grèce. Le tout est regroupé dans une liste transnationale pour les élections du Parlement européen en 2019, avec un programme commun pour l’Europe. En pratique, lorsqu’ils votent pour Razem ou MeRA25, les Européens votent pour la même vision européenne. Une première dans l’histoire européenne!

Notre vision du fédéralisme européen est donc radicalement démocratique. Nous devons innover politiquement, sinon le capital mondial et la technologie nous gouverneront sans aucune légitimité démocratique. Pour donner un sens à la politique dans notre ère de la finance mondiale, du big data, de la migration de masse et de la crise écologique, nous devons imaginer de nouvelles formes d’organisations légitimes opérant au niveau européen. Bien sûr, nous sommes bien conscients que toute alternative au système de l’État-nation apparait comme une impossibilité utopique. Cependant, n’oublions pas que les réalisations technologiques des dernières décennies semblaient elles aussi impossibles avant leur arrivée. La véritable utopie est plutôt de croire que la situation actuelle peut perdurer. Nous devons au contraire nous éloigner de la doctrine de l’UE actuelle selon laquelle « il n’y a pas d’alternative ». C’est précisément ce que prétendaient Margaret Thatcher et l’ancien dictateur Augusto Pinochet dans les années 1970 (Royaume-Uni et Chili). La vérité est toute autre. Les alternatives sont nombreuses !

Le projet européen n’a jamais été soumis au contrôle des citoyens européens – et, comme le montrent les événements récents, s’il n’est pas démocratisé, il se désintégrera. Le changement progressif, à la Macron, est trop limité et arrive trop tard pour nous mener à une nouvelle Europe. A l’heure actuelle, il n’y a pas en Europe de force politique crédible permettant aux Européens de contrôler les institutions qui exercent le pouvoir depuis Bruxelles. C’est pourquoi DiEM25 a été créé : parce que la démocratisation de l’Europe est à la fois une nécessité morale et une nécessité pratique. La forme que prendra la démocratisation doit être décidée par les citoyens européens eux-mêmes. Chez DiEM25, nous avons déjà commencé à imaginer à quoi pourrait ressembler une Europe vraiment démocratique. Nous le ferons notamment à travers une Convention constitutionnelle européenne qui doit avoir lieu en 2019, dont le but est de discuter des prochaines étapes vers une Constitution européenne qui commence par « nous les peuples de l’Europe » et non « nous les gouvernements » ou « entreprises ».

EoE : Avez-vous l’intention d’aller au-delà des élections européennes et de viser des élections locales ?

DiEM25 Belgium : Nous ne nous faisons aucune illusion sur les pouvoirs du Parlement européen. Ajouter quelques bons politiciens bien intentionnés à un corps sans véritable pouvoir législatif ne peut être qualifié que de geste symbolique, mais néanmoins nécessaire. DiEM25 a été créé dans le but de démocratiser l’Europe sur la base des sept piliers de notre programme progressiste. Cela sera fait à la fois par le mouvement et les ailes électorales sur tout le continent, comme l’ont décidé nos plus de 70 000 membres.

Bien sûr, c’est une erreur de croire que le changement proviendra uniquement des institutions européennes. Il est absolument essentiel de s’engager localement et c’est pourquoi DiEM25 compte plus de 100 groupes d’activistes locaux à travers l’Europe. Ces groupes locaux sont actifs dans les localités, les villes et les régions du continent. Nous avons également des groupes thématiques en ligne plus transversaux, qui travaillent sur des domaines politiques particuliers de notre programme progressiste pour l’Europe.

Nous réinventons et reconfigurons de nouvelles façons de faire de la politique, qui combinent des structures horizontales et verticales. Nous avons déjà un certain nombre de partenaires à travers l’Europe dans ce que nous appelons des « villes rebelles », comme Barcelone, Naples et Zagreb, qui montrent qu’il existe une alternative au statu quo de l’establishment et à la résurgence nationaliste. Dans certains pays, nos groupes locaux et/ou nos Collectifs nationaux élus peuvent également décider de se présenter aux élections locales. Ce sera à nos membres d’en décider.

EoE: Que pensez-vous du mouvement transnational Volt, une grande coalition de gauche ou progressiste est-elle possible et/ou souhaitable ?

DiEM25 Belgium : Nous laissons les politiques et le travail sur le terrain parler d’eux-mêmes – il existe des différences évidentes entre nous et les différents « mouvements européistes » qui émergent à ce jour. Si leurs points de vue et leurs propositions sont en accord avec nos principes humanistes, progressistes et démocratiques, nous saluons leur émergence et restons ouverts à une collaboration avec eux pour faire avancer ces principes.

Nous sommes heureux d’être fondés, soutenus et conseillés par des personnes qui ont démontré leur savoir-faire et fait leurs preuves en défendant les valeurs que nous partageons et qui définissent notre mouvement. Cela comprend des personnes comme Noam Chomsky (linguiste américain et activiste politique), Naomi Klein (journaliste primée), Elif Shafak (romancière turque), Brian Eno (musicien), Susan George (militante franco-américaine pour la justice mondiale), Ken Loach (réalisateur anglais de cinéma et de télévision), Slavoj Zizek (philosophe slovène), Caroline Lucas (co-responsable du parti vert du Royaume-Uni), John McDonell (chancelier de l’échiquier du cabinet fantôme, membre du Parti travailliste britannique), Yanis Varoufakis (ancien ministre grec des finances), pour ne citer qu’eux. C’est essentiel pour toute initiative cherchant à modifier le statu quo : faire preuve d’une totale transparence sur nos soutiens et maintenir des principes et des valeurs identifiables.

Nous sommes clairs sur ce point : le projet de démocratisation de l’Europe n’est pas un projet partisan, et ne doit pas l’être. DiEM25 rassemble des progressistes de toutes les traditions : Gauche, Verte, Libérale, pour former une alternative à la fausse dichotomie actuelle de la politique européenne, qui oblige les Européens à choisir entre un statu quo en faillite et en manque d’inspiration tragique ou des nationalistes d’extrême-droite ou gauche qui veulent démanteler le projet européen. Pour nous, l’Europe ne doit pas incarner un présent en faillite, ni le retour à un passé empreint de nationalisme. Nous ne sommes ni pour cet état de l’Europe, ni pour sa désintégration, mais pour sa transformation radicale à partir de la base.

En conséquence, une coalition gauche-verte-libérale n’est pas seulement souhaitable : elle est essentielle, mais seulement tant qu’ils ont une compréhension et un programme communs. Sinon, les Européens seront aux prises avec les partis européens et les groupements du Parlement européen qui sont vaguement rassemblés autour de ce qu’ils considèrent comme des valeurs communes, mais qui, en fait, ne peuvent s’accorder sur de nombreuses questions soulevées au Parlement européen. C’est pourquoi DiEM25 s’efforce de rassembler un groupe de forces politiques progressistes autour d’une vision commune pour l’Europe, en vue de se présenter aux élections du Parlement européen de 2019.

EoE : Selon vous, pouvons-nous être à gauche sans entériner l’architecture institutionnelle actuelle de l’UE et est-il possible de la modifier sans quitter l’Union européenne ?

DiEM25 Belgium : Notre devise est : « Dans l’UE, contre cette UE ». Donc oui, c’est possible – nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas essayer de changer l’Union européenne. Les moyens pour y parvenir sont doubles : d’abord, en développant des politiques véritablement progressistes (revenu de base universel, investissement dans la sécurité au travail et le logement pour tous les Européens et autres politiques décrites dans notre New Deal européen) afin de ranimer l’espoir chez les Européens que l’UE peut être une source de solutions et de prospérité, et pas seulement de problèmes. Ensuite, le développement d’une Constitution européenne, à partir de la base, qui cimentera la démocratie au cœur du projet européen : il est inouï que dans l’Europe du 21ème siècle, la vie des citoyens soit influencée par des institutions qui échappent à leur contrôle.

EoE : Que pensez-vous de la critique d’Elmar Brok, président de l’Union des fédéralistes européens (UEF) qui estime que les listes transnationales éloigneraient le citoyen de l’élu européen ? Ces critiques sont-elles basées sur vous ?

DiEM25 Belgium : Les listes transnationales étaient une excellente initiative et un pas dans la bonne direction pour l’Europe. Cependant, leur rejet par le Parlement européen a mis prématurément fin à ce qui était, dès le départ, une initiative vouée à l’échec : le Conseil attendait au coin de la rue pour l’abattre. Les critiques de M. Brok sont assez surprenantes, vu l’éloignement des députés européens dans l’esprit de leurs électeurs. Il y avait d’ailleurs aussi un amendement déposé par les Verts appelant à des circonscriptions européennes, ce qui aurait résolu le problème de M. Brok.

Ce que nous entendons dans cette objection sans fondement, c’est plutôt la ligne du PPE qui a peur de perdre son hégémonie électorale. C’est la politique nationale qui empêche le progrès européen. L’obstruction du président de l’UEF montre à quel point le problème auquel l’Europe est confrontée est profondément enraciné. Nous sommes heureux de nous réveiller tous les matins, sachant que nous travaillons pour un mouvement qui offre un changement réel et une vision positive pour l’Europe, affranchis de ces intérêts.

Propos recueillis et retranscrits en français par Thibault Koten,  rédacteur en chef  d’Eyes on Europe et étudiant en droit européen à l’IEE de l’ULB.


Pour plus d’information sur le mouvement et les nombreuses activités de DiEM25 : voir le site diem25.be ou bien diem25.org

Contact: info@be.diem25.org

Share and Like :