La course à la 5G, pourquoi l’UE veut être en tête?
07 April 2021 /
Arnaud Rossell 5 min
À l’heure du tout numérique et des cyber-apéros sur Zoom, le débat sur la 5G fait rage. Si la 5G est, comme son nom l’indique, la 5ème génération des connexions internet sur mobile, elle suscite plus de débats que sa petite sœur : la 4G. En effet, de par sa nature technique comme pour son utilité, elle alimente des débats houleux quant à son implémentation. Outre cela, l’Union européenne pousse sans relâche vers une 5G performante et autonome. Assurer l’autonomie technologique de la région est la ligne directrice du plan d’action établi par la Commission européenne.
Mais d’abord, qu’est-ce que la 5G ?
Comme évoqué précédemment et dans l’article de Thomas Rambaud, il s’agit de la suite logique à la 4G. C’est une évolution technologique qui vise à rendre encore plus rapides les échanges et interactions sur le net. Pour ce faire, elle permet une accélération radicale du débit par rapport à son aînée. Qui dit débit augmenté, dit nécessairement changement d’infrastructures techniques pour permettre cette augmentation. Or, c’est précisément ce point qui fait débat. En effet, la démultiplication d’antennes réseau sur les territoires nationaux et européens pose question ; notamment relativement à l’empreinte énergétique élevée que représente un nombre accru d’antennes réseau.
Ici, le but n’est pas de débattre sur ce point précis, mais plutôt sur la justification d’une telle technologie sur le plan politique et économique.
Pourquoi la 5G ? La quête de la compétitivité.
Si la 5G est une avancée technologique significative, sa justification se fait avec des arguments des plus classiques. L’Union européenne, ici, la Commission européenne développe un argumentaire dans son plan d’action qui se base sur une logique assumée de compétitivité.
Par le passé, notamment avec la précédente génération d’internet sur mobile, l’Europe était à la traîne. Avec un déploiement et un accès pour la population nettement inférieurs à ceux des marchés chinois et américain, la compétitivité au sein de l’Union était lacunaire. Aux États-Unis, 75% de la population avait accès à la 4G là où moins d’un européen sur trois y avait droit. Afin d’y pallier, le mot d’ordre est la coordination des États membres. Dès lors, le projet est de mettre en commun des moyens et de travailler main dans la main pour déployer un réseau 5G le plus homogène possible. En effet, cette nouvelle technologie est définie comme une « opportunité stratégique » dans ledit plan d’action. Elle permettrait un marché unique plus compétitif que jamais, tourné vers l’innovation et les nouvelles initiatives entrepreneuriales.
Dans cette quête de compétitivité, les financements jouent un rôle excessivement important. Le secteur public des télécoms ne peut se permettre d’investir d’emblée pour couvrir de 5G l’intégralité des territoires. Rappelons-le, la 5G nécessite de nouvelles infrastructures pour fonctionner à son plein potentiel ou une adaptation de réseaux 4G déjà en fonction et ce par un changement de fréquence. Or cela a un coût important, auquel s’ajoute celui de l’attribution des fréquences 5G (tous les opérateurs ne peuvent pas fournir de la 5G de même fréquence). Ainsi, en France l’attribution de ces fréquences s’élèvent à 2,17 milliards d’euros.
Le secteur privé à la rescousse – 5G-PPP
Dans le but de coordonner le projet de déploiement de la 5G et d’en partie le financer, un partenariat public-privé (5G-PPP) a été initié par la commission en 2013. Depuis, le 5G-PPP s’est formalisé permettant la mise en œuvre du réseau et facilitant la coopération en États membres. Le projet 5G-PPP avec les 700 millions d’euros du secteur public et les autres 700 millions du secteur privé contribue à la mise en place d’un réseau d’acteurs clés dans le domaine des technologies de la communication.
Étant aujourd’hui dans la 3ème phase du projet et donc de la concrétisation de celui-ci, les phases précédentes ont permis le développement de réseaux d’industrie « sûrs et intègres » ainsi que la standardisation des modèles industriels et technologiques liés à l’avènement de la 5G. Il s’agit de coordonner les meilleurs experts dans le domaine, de financer la mise en place du projet et d’évaluer en continu l’évolution de ce dernier. Ainsi, le lancement d’offres commerciales a eu lieu au cours de l’année 2020 et se poursuit malgré la crise sanitaire. Des offres 5G grand public sont donc disponibles dans 24 des pays membres de l’Union Européenne. Notons cependant que les territoires couverts par de tels services sont encore restreints et se limitent aux grandes villes telles que Bruxelles, Paris, Dublin ou encore Athènes. Dès lors, les horizons d’une couverture 5G totale du territoire sont encore lointains.
La crise économique– une justification supplémentaire ?
Si le déploiement du réseau est en bonne voie, la crise sanitaire que nous vivons cause de graves dommages à l’économie mondiale.
La crise du Covid-19 a mis à mal de nombreux secteurs économiques et à les a pousser à se réinventer. De ce fait, la résilience des canaux de communication se pose comme étant le moyen de maintenir à flots l’économie européenne et plus tard l’alimenter de nouveau. En effet, le déploiement à large échelle de la 5G se pose ainsi comme un catalyseur pour la relance économique. Les institutions européennes ont dès lors ciblé ce projet 5G afin qu’il « facilite la reprise et la résilience ». Il fait ainsi partie de 7 domaines qui se basent sur des principes de durabilité environnementale, de productivité, de stabilité macroéconomique et d’équité et qui se partagent un total de 672,5 milliards d’euros. Une part de cette somme (150 milliards) sera donc destinée à la poursuite du développement du réseau de 5G européen. Celle-ci visera à doubler les investissements alloués au développement des réseaux ce qui permettra d’alimenter encore un peu plus la mise en place de la 5G.
Ainsi, le développement de la 5G porte de nouveaux enjeux économiques qui justifient son application. En effet, la notion de compétitivité sur le marché mondial est centrale dans la justification qui est faite quant au déploiement de la 5G. Cela s’actualise avec les nouveaux besoins en terme de communication notamment avec à la crise sanitaire du Covid-19 et à l’échelle inédite des pratiques de travail à distance. Dans cette perspective, nous verrons dans les mois qui se profilent comment l’argumentaire de l’Union Européenne passe le test de sa concrétisation et s’il justifie sur le long terme.