Brexit : la situation incertaine des relations UE – Chine
10 November 2016 /
La dernière visite du Président chinois Xi Jinping au Royaume-Uni en octobre 2015 a renforcé les relations bilatérales entre ces deux pays. Certains experts politiques parlent de « l’ouverture d’un nouvel âge d’or ». Mais depuis le référendum britannique – 52 % des Britanniques ont décidé de quitter l’Union européenne (UE) – l’incertitude règne en maître sur l’avenir des relations entre l’Empire du Milieu et l’UE. Cette instabilité politique se ressent sur les marchés internationaux.
Début octobre 2016, Theresa May a annoncé vouloir déclencher l’article 50 du Traité sur l’Union européenne avant la fin du mois de mars 2017. Cette procédure sera la première étape dans le processus de divorce avec l’Union européenne et le début des négociations des termes de sortie. Deux scénarios ont été mis en avant. Le premier est le « soft Brexit » : ce scénario signifierait que le Royaume-Uni garde ses avantages commerciaux qu’offre le marché unique, mais serait soumis à la législation européenne. Il serait également assujetti à la libre circulation des personnes et devrait participer au budget européen – un statut quasi-similaire à la Norvège et à la Suisse qui font partie de l’EEE (Espace économique européen). Le second est le « hard Brexit » envisageant un divorce ferme avec l’UE, ses partisans prônent une indépendance complète vis-à-vis de l’UE, tant dans le domaine économique que dans le domaine de l’immigration – à l’image des accords actuels entre les États-Unis et l’UE. Theresa May, la Première ministre britannique semble se tourner vers le camp du « hard Brexit ». Les relations entre la Chine et l’UE seront probablement modelées selon le type de Brexit choisi.
La Chine respecte le choix britannique
Lors des conférences de presse du Ministère chinois des Affaires étrangères, la Chine a souvent soutenu l’intégration européenne. À titre d’exemple, le porte-parole du Ministère, Hua Chunying déclara le 23 juin 2016 (jour du référendum britannique) : « [la] Chine soutient […] l’intégration européenne et souhaite voir une UE unie, prospère et stable qui joue un rôle important dans les affaires internationales. » Sur un ton diplomatique, elle affirma également que la Chine « attache une grande importance à ses relations avec le Royaume-Uni et entend poursuivre la coopération mutuellement avantageuse avec le Royaume-Uni dans tous les domaines. » Ainsi, quelle que soit la manière dont le l’État britannique entend mener le Brexit, la Chine a d’ores et déjà affirmé vouloir continuer les relations bilatérales avec les deux entités.
Si officiellement la Chine respecte la décision des électeurs britanniques de quitter l’UE, le spectre d’un marché financier instable et la possible réduction de la zone de libre-échange ne plaisent pas du tout aux investisseurs chinois.
Pour autant, l’enthousiasme des médias et des internautes chinois sur le cas du Brexit est loin d’être similaire à celle de mars 2015. En effet, le Royaume-Uni était alors le premier pays occidental à rejoindre la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII), une banque d’investissement introduite par la Chine. Une action qui a fâché son allié américain. Même si certains commentateurs estiment que le Brexit est « une occasion extraordinaire » pour la Chine d’avoir une plus grande influence politique sur la scène internationale, des répercussions d’ordre financier sont à prévoir, à l’exemple des investissement chinois au Royaume-Uni qui risquent d’en souffrir.
En général, le Brexit a été reçu de manière très négative par le public chinois. Pékin doit désormais prendre toutes ses précautions sur l’impact de ce séisme politique au niveau national et international dans le domaine économique, mais aussi géopolitique. Si officiellement la Chine respecte la décision des électeurs britanniques de quitter l’UE, le spectre d’un marché financier instable et la possible réduction de la zone de libre-échange ne plaisent pas du tout aux investisseurs chinois.
Inquiétude sur la stabilité des marchés financiers
La plus grande partie des investissements chinois se trouve dans les secteurs financiers et immobiliers. Par conséquent, la Chine ne risque pas grand-chose. Cependant, l’impact psychologique du Brexit se fait déjà ressentir sur les bourses de Hong Kong (qui a chuté de 4,7 % en juin 2016) et de Shanghai (- 1,2 %). La Chine craint l’instabilité des marchés financiers internationaux.
Dans un contexte de commerce direct d’État à État, la Chine subira peu l’impact du Brexit sur sa croissance économique. Cependant, il ne faut pas sous-estimer l’impact potentiel par effet domino sur la Chine de la perte de vitesse de Hong-kong, qui était autrefois une colonie britannique. Car cette région administrative spéciale est aujourd’hui la porte d’entrée des investissements de capitaux étrangers en Chine. Il n’est donc pas surprenant que le Royaume-Uni possède toujours des acquis, surtout financiers, sur cette ville portuaire, et réciproquement. Ainsi, Hong-kong est susceptible d’être le premier maillon à subir les conséquences du Brexit, ce qui corollairement touchera également la Chine continentale.
En octobre 2015, la Banque populaire de Chine a émis ses premiers bons offshores en renminbi (la devise chinoise) à Londres. L’objectif était d’explorer un marché international et de faciliter le commerce et les investissements transfrontaliers. Avec le Brexit, la Chine craint un ralentissement de l’internationalisation du renminbi et ainsi que le blocage des investissements. En effet, Londres devait être la porte d’entrée du renminbi dans l’Union européenne. Si Bruxelles était amenée à retirer ses euros de Londres, les bons offshores chinois en euros pourraient être affectés, et par la même occasion perturber l’internationalisation de sa monnaie.
Un éminent expert en la matière, Zhu Haibin, même si le Brexit n’a pas d’effet direct sur les relations chinoises avec l’Union européenne et l’île britannique, il attire l’attention sur les effets indirects de cette séparation. Ainsi, il prédit une perte de vitesse de la croissance économique européenne et britannique qui, selon lui, aura un impact sur le commerce transfrontalier entre la Chine et ces deux entités. Dans ce scénario, il présage une plus grande concurrence entre l’UE et le Royaume-Uni pour attirer les investissements chinois.
Une Union divisée a peu de poids
La sortie du Royaume-Uni de l’UE signifie également une dissipation du poids de l’Union sur la scène internationale. Aussi, on peut imaginer que la Chine et d’autres pays étrangers tenteront de récupérer à leur profit cette part d’influence dans les décisions internationales. En effet, une Europe affaiblie politiquement est une opportunité pour la Chine de faire passer sa vision de la politique internationale. L’UE sans le Royaume-Uni, et réciproquement, sera ainsi indubitablement soumise à la pression externe.
La sortie du Royaume-Uni de l’UE signifie également une dissipation du poids de l’Union sur la scène internationale. Aussi, on peut imaginer que la Chine et d’autres pays étrangers tenteront de récupérer à leur profit cette part d’influence dans les décisions internationales.
L’UE perdra de son poids dans les futures négociations commerciales, notamment dans le cadre d’un potentiel traité de libre-échange entre les protagonistes. Dans la même optique que le traité de libre-échange avec le Canada (CETA) signé récemment, les ambitions de l’UE se dessinent petit à petit : elle désire élargir l’espace commercial de libre-échange bien au-delà de l’Europe. Des négociations bilatérales ont déjà eu lieu avec la Chine sur un éventuel accord commercial. Bien que la signature d’un tel traité est encore loin d’être une réalité, les enjeux économiques et politiques sont, eux, déjà bien réels.
En effet, la portée d’un partenariat commercial n’est pas uniquement limitée à sa dimension économique. Les répercussions sont également d’ordre politique. Dès lors, une Union divisée aura, non seulement, moins de poids dans les futures négociations commerciales avec la Chine, mais souffrira également au niveau politique, national et international.
Dorian Liu est étudiant en Master sciences politiques à l’ULB