Communication européenne : Tout pour devenir une grande ?

07 May 2020 /

10 min

Communication européenne : Tout pour devenir une grande ?

Temps de lecture: 7 min.
Le développement des nouvelles technologies a permis une transformation des outils de communication. Les tracts ? Remplacés par des communiqués sur les réseaux sociaux. Les traditionnelles conférences de presse se substituent parfois à des vidéos postées sur Facebook, YouTube, Twitter et LinkedIn. La récente épidémie due au Coronavirus/COVID-19 a même forcé les chefs d’états et de gouvernements à adopter les visio-conférences, comme ce jeudi 26 mars pour un Conseil européen spécial. Toutes ces évolutions influencent la manière dont les institutions communiquent auprès de ses citoyens, devant parfois se faire une place au côté des médias ‘nationaux’ couvrant parfois cette actualité. Mais l’atout de la communication européenne s’appuie sur ce qu’elle connaît le mieux : son histoire, ses compétences et son fonctionnement. 
Les récentes élections européennes de Mai 2019 ont montré un regain d’intérêt de la part des citoyens européens. L’Union européenne (UE) représente un mélange de différentes cultures, traditions et surtout de vingt-sept pays différents. Ces derniers se rassemblent autour de certaines valeurs, que les citoyens européens défendent et protègent de manière fluctuante en fonction de leur histoire. L’UE est un espace où se mélange plusieurs langues et paysages politiques. Faisant face à un « déficit démocratique » discutable,  les institutions européennes ont décidé au début des années 2000, lors du sommet de Laeken en 2001, de le combler en insistant sur « L’avenir de l’Union ». Le renforcement de la communication européenne, en balbutiement depuis les années 70, fût à l’ordre du jour. Le but ? Renforcer un espace public européen. Prenons l’exemple de cercles : le but n’est pas de créer un cercle partant de Bruxelles qui atteindrait les citoyens européens, mais plutôt de créer différents foyers de cercles dans les états membres, qui s’entrecouperaient, mettant en interaction les citoyens européens. Ce n’est pas eux qui vont vers l’UE mais l’inverse. Plusieurs initiatives furent alors tentées. Nous allons voir quels sont les moyens que se donnent les institutions pour communiquer, les initiatives qui ont réussi et certaines qui ont échoué. Deux initiatives de chaque sorte seront développées. Nous verrons comment les prix décernés par l’UE, la Maison de l’Histoire européenne renforcèrent ce sentiment d’appartenance. Toutefois nous verrons qu’un travail reste à accomplir au niveau européen par l’absence de média européen. Puis nous terminerons par la journée « européenne », nous rappelant notre appartenance à une histoire commune.

  1. Les prix : différentes générations pour différents domaines

Avant d’entrer plus dans le détail, il est nécessaire de comprendre la temporalité dans laquelle ces prix sont décernés. Afin de « stimuler la demande », l’Union européenne a fait en sorte que ces prix soient donnés dans 2 cas : le prix dit « Ex ante » est un prix donné pour un projet d’innovation, une réalisation. Il comporte ainsi l’idée de promesse et non pas quelque chose de déjà accompli (suscitant la volonté de créer). Le deuxième type de prix est celui dit « Ex post » qui est donné après avoir réalisé quelque chose et représente une marque de reconnaissance sociale (récompense sur le long-terme).
Il y a quatre différentes générations de prix. La première période s’étale des années 50 à 70. Ces prix sont reliés directement à la politique européenne en récompensant les grands acteurs de l’intégration européenne. Le prix Charlemagne de 1950 avait pour priorité de « Sécuriser l’intégration européenne naissante » et « Reconstruire la dimension politique de l’Allemagne » après la deuxième guerre mondiale. Mais ces derniers se concentrant trop sur les élites, les institutions cherchèrent à aller vers un public plus large. Petite contradiction : le dernier ait été remis au président roumain.
La deuxième génération se concentra sur la culture et l’histoire de la fin des années 70 à fin années 80. Le but fût de créer des symboles européens et les véhiculer par l’intermédiaire des médias en construisant la base sociale de l’UE. Parmi eux nous pourrions citer le Prix de la capitale européenne de la culture de 1985 initié par Jacques Lang et Melina Mercouri, tous les deux respectivement ministre de la culture de la France et de la Grèce. On célèbre la civilisation européenne par les hauts lieux de la culture européenne. Ainsi Athènes, Florence deviennent les lauréates du prix. Les appels de pieds des villes plus discrètes comme Glasgow et Madrid accentuèrent l’idée qu’on ne célèbre pas seulement la haute culture européenne mais transforme l’idée que ces villes deviennent des capitales européennes via le prix et qui s’en servent pour accroitre leur visibilité (ouverture par le tourisme et retombées économiques importantes).
La troisième génération de prix se construit en réaction de l’agenda international des années 90 avec la chute du communisme et l’importance des droits de l’homme. La communication européenne va pousser pour une justification de l’UE par l’extérieur en récompensant des acteurs non européens, montrant une réouverture de l’histoire et une redéfinition des positions internationales. L’UE prépare également ses différents élargissements de 1995 et 2004. Le prix Sakharov de 1989, remis par le Parlement européen, est la représentation de cette dynamique.
La dernière génération des prix dure depuis le début depuis les années 2000 où on a assisté à une multiplication des prix remis par les différentes institutions européennes. Ces dernières ont souhaité élargir les secteurs éligibles aux prix, allant de la recherche, l’économie, au cinéma. Le but est de communiquer de la même manière que le font les marchés : communiquer sur l’innovation, la valeur ajoutée. L’UE affirme sa centralité, étend les secteurs où elle a le plus de compétences pour essayer d’aller chercher des secteurs en marge. Sa communication par les prix montre que l’UE est passée d’une légitimation par le haut pouvant aller au plus près de ses citoyens.

  1. La Maison de l’Histoire européenne, celle de tous les européens ?

Les institutions européennes furent préoccupées par les critiques leur rapprochant leur manque de légitimité culturelle, l’idée de bulle « bruxelloise ». En réaction, elles se sont de plus en plus engagées dans les politiques historiques transnationales afin de renforcer cette identité européenne. Qui aujourd’hui dit se sentir plus européen que belge, suédois ou slovaque ? Mais les institutions européennes ont joué sur la diversification des identités afin de les inclure dans la devise européenne : « Unie dans la diversité ». Le Parlement européen lança alors un projet visant réunir ces différentes cultures et identités sous un même toit, de communiquer sur une histoire commune vécue par les européens. Basée à Bruxelles, cette maison a ouvert en 2017 et est un succès en termes de visites et de critiques. Durant ma visite, j’ai été surpris que la dimension européenne soit limitée et ne se trouve qu’au dernier étage de la maison. En effet, le centre narratif de ce bâtiment se concentre sur les origines de l’expérience de l’Europe aux XIXème et XXème siècles.
Le dernier étage nous présente les différents pères fondateurs de l’Union Européenne, Jean Monnet, Paul-Henri Spaak, Robert Schuman, entre autres. Retraçant son histoire de son origine à nos jours, la maison de l’histoire européenne cherche à montrer à quel point l’Union européenne a apporté un « plus » à l’existence des citoyens européens et ainsi, à renforcer sa légitimité. Elle nous permet de faire sauter quelques idées préconçues et malgré les critiques que l’on peut faire à cette maison, il est bon que cette identité européenne soit mise en difficulté : les citoyens européens se rendent compte que l’intégration européenne a un impact sur leur vie, précisément quand elle est mise en danger. Vivant dans un monde globalisé, on en revient ainsi à défendre son identité, cette fois-ci européenne, plutôt que nationale. Peut-être cela vous donnera envie de vous forger votre opinion sur celle-ci.

  1. L’Absence de médias nationaux

La stratégie de communication de l’Union européenne repose sur sa capacité à atteindre ses citoyens. Les disparités entre les pays sont importantes au niveau des outils utilisés pour s’informer. Les progrès technologiques ont permis à un plus grand nombre de foyers de s’acheter une télévision, de s’informer par les applications de nos téléphones portables et internet. De ma propre expérience, j’achetais encore des journaux il y a quelques années ou regardait la télévision pour m’informer sur l’actualité. Aujourd’hui mon ordinateur et mon téléphone ont remplacé tout ça. Ces outils me permettent de recouper différentes sources et médias en plusieurs langues. Étudiant en études européennes, je suis marqué par l’absence de média dit « européen » au lieu de médias nationaux ayant une page dédiée à l’actualité européenne. Les médias comme Euractiv ou Euronews sont les plus connus mais leurs audiences restent basses et leurs revenus difficiles à équilibrer.
Toutefois on peut noter que certains médias possèdent des correspondants continuellement à Bruxelles puisque l’UE est de plus en plus à l’actualité des chaînes de télévisions nationales. Il y d’ailleurs une grande envie de s’informer sur l’UE de la part des citoyens européens. Mais ces médias européens ne voient pas leur tâche facilitée par les dirigeants politiques. Prenons l’exemple du Conseil Européen. À ce dernier n’émergent que les conflits qui n’ont pas pu être résolus donc nous avons une vision de l’UE comme un espace de conflits. La récente épidémie de Coronavirus et la division des 27 ont fait sortir Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, de sa retraite. D’ordinaire très discret, il a appelé à la solidarité européenne face au « danger mortel pour l’Europe ».
À la sortie de ce sommet, les chefs d’état et de gouvernement ont tendance à se ruer vers leurs chaînes de télévisions nationales afin de soit tirer le crédit de ce qui a décidé ou de critiquer le manque des coopérations des autres pays. Même chose pour les membres du parlement européen : on va plutôt aller faire des interviews auprès de nos médias nationaux pour montrer à nos citoyens qu’on travaille pour ce à quoi on a été élu, la perspective du court-terme restant présente.

  1. La Journée de l’Europe : une journée comme une autre 

Saviez-vous qu’il existe une Journée de l’Europe ? Eh bien oui. Cette dernière n’est pas très connue et pour cause : que célèbre-t-elle ? Il y a quelques années, les institutions européennes avaient tenté de faire en sorte que la journée de l’Europe devienne un jour férié afin de célébrer la création de l’Europe. Elle est célébrée le 9 mai, faisant référence à la Déclaration Schuman de 1950, discours considéré comme texte fondateur de l’Union européenne. La journée de l’Europe a été instituée en 1985, permettant ainsi la création d’événements, d’activités, de célébrations dans tous les pays membres. Mais on peut considérer cette journée comme un semi-échec de la communication européenne sur deux points importants.
Le premier est qu’aucun Etat membre n’a accepté de faire de cette journée un jour férié, permettant aux citoyens de se rappeler que grâce à l’UE, la paix est toujours présente en Europe et qu’elle ne devrait jamais être prise comme acquis. Seul le Luxembourg a instauré ce jour comme férié en 2019.
Le deuxième échec se porte sur l’utilisation faite de cette journée. Son but est de faire connaître les actions de l’UE aux citoyens, comment est-ce qu’ils contribuent et ainsi évacuer certains stéréotypes. À Bruxelles, les institutions européennes ouvrent leurs portes aux citoyens européens mais fait contre-productif : les fonctionnaires européens ne travaillent pas ce jour-là. Il y a donc un renforcement de cette idée de bulle bruxelloise et une absence de contact direct entre les institutions et les citoyens européens. L’UE apparaît comme englobante mais secondaire face à nos pays nationaux.
Comme on peut le voir, l’Union européenne a amélioré son approche communicationnelle auprès des citoyens européens par l’utilisation de différentes mesures, projets, copiés plus ou moins des modèles nationaux. Son approche reste perfectible au niveau des moyens qu’elle se donne mais les récentes augmentations des budgets de Communication des institutions, nous pouvons nous attendre à mieux. Les déclarations des dirigeants européens par les réseaux sociaux montrent que ces derniers souhaitent s’ouvrir au plus grand nombre, là où les anciens dirigeants se montraient plus difficiles à atteindre. Nous garderons un œil attentif au volet ‘communication’ des institutions et bien que la traditionnelle conférence de presse de la Commission européen, jours de semaine à midi, ne soit jamais pleine à ras bord de journalistes, la récente épidémie de Coronavirus a montré que les périodes de crises sont toujours suivies avec intérêts par les médias nationaux, montrant l’importance du rôle joué par l’Union européenne.
 
Thomas Rambaud est en deuxième année du master à l’Institut d’Etudes Européennes de l’ULB
 

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