Greta Thunberg rencontre Jean-Claude Juncker à Bruxelles, nous les avons suivis pour vous.
13 March 2019 /
©EESC
Qui ne connait pas Greta Thunberg, cette adolescente de 16 ans, d’abord connue pour avoir fait l’école buissonnière devant le Parlement suédois en exigeant des mesures plus concrètes contre le changement climatique. Ensuite devenue mondialement célèbre après avoir interpellé les politiciens lors de la COP24 à Katowice. Elle était en visite la semaine dernière à Bruxelles, pour une rencontre avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, suivie d’une allocution devant les membres du comité économique et social européen, pour ensuite finir par une marche avec la jeunesse bruxelloise en réaction au changement climatique.
Si vous étiez occupé, nous avons eu la chance de pouvoir assister pour vous à cette matinée chargée.
« La plupart des politiciens ne veulent pas nous parler. Bien. Nous non plus. Nous voulons qu’ils parlent aux scientifiques ». La jeune militante, entourée d’autres jeunes représentants les grèves scolaires, a prononcé un discours fort et engagé devant les membres du CESE (comité économique et social européen), mais surtout devant les présidents des principales institutions européennes (ndlr : Antonio Tadjani, président du Parlement européen était absent). Demandant à cette assemblée de revoir à la hausse leurs objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre pour éviter les scénarios incontrôlables décrits par les experts du Giec (Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat) si le réchauffement climatique dépasse 1,5°C. “Il faut une réduction d’au moins 80% de gaz à effet de serre d’ici à 2030, il faut être deux fois plus ambitieux.”
Le contraste est saisissant, cette jeune fille de 16 ans expliquant à une assemblée mûre d’adulte que désormais rien ne pouvait arrêter la jeunesse : “Si vous pensez que nous devrions être en classe, prenez notre place dans la rue! Faites grève, vous aussi! Rejoignez-nous pour que les choses avancent. Dire que tout va bien en ne faisant rien, ce n’est pas acceptable. Or c’est ce que vous faites. Se contenter d’attendre que l’espoir revienne, c’est une attitude d’enfant gâté et irresponsable. L’espoir est quelque chose qui se gagne, vous ne semblez pas l’avoir compris. Si vous estimez que nous perdons notre temps en brossant les cours, alors dites-vous bien que vous, vous avez perdu des années en ne faisant rien!” Ce discours fort et engagé sera vivement applaudi.
Jean-Claude Juncker répondra quelques minutes plus tard à ce discours ferme, par une note d’humour, “Jeune, moi aussi je me suis toujours engagé. Mais l’après-midi. Le matin j’allais à l’école”, mais en annonçant des nouvelles mesures. Un euro sur quatre sera dédié au climat dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, a-t-il expliqué. Répondant à une certaine demande, mais il a aussi déclaré : “Je ne voudrais pas qu’on nourrisse à l’égard de l’Europe trop d’espoir. L’Europe ne peut pas tout faire. Nous donnons toujours l’impression de pouvoir tout faire mais ce n’est pas vrai, parce qu’il faut composer avec les réalités régionales, locales et nationales“. L’orateur n’aura pas satisfait toute son assemblée, selon certains observateurs. Jean-Pascal van Ypersele (ancien Vice-Président d’un groupe de travail du GIEC), « nous avons assisté ce matin à une triste démonstration de la totale déconnexion entre le Président de la Commission EU et les préoccupations si bien exprimées par Greta Thunberg et les jeunes de Youth for climate ».
Ensuite la nouvelle égérie de la lutte contre le réchauffement climatique allait répondre aux questions des journalistes en présence du président du Comité économique et social européen, Luca Jahier, dans une salle bondée de journalistes venant du monde entier.
Si les questions étaient variées, les réponses l’étaient un peu moins. En effet, Greta Thunberg, martelait un discours de rassemblement et d’engagement. « Il y a plusieurs pays, où les manifestations ont rassemblés peu de jeunes, mais je dois leur dire qu’il faut continuer à se battre car si personne n’agit, alors c’est à nous de la faire », en réponse à la faible mobilisation des jeunes en France.
Une journaliste belge, lui a ensuite demandée si elle avait reçue des réponses concrètes de la part de leaders politiques, la jeune activiste a répondu : « Ils ont juste dit qu’ils allaient faire de leurs mieux, donc nous n’avons pas de réponses concrètes » pour ensuite ajouter, « au lieu de nous parler, les politiciens feraient mieux de parler au scientifiques ». C’est un point important de son action, en effet, dans la plupart de ses discours elle explique que les politiciens se concentrent plutôt sur son extraordinaire jeunesse, sur l’implication des jeunes sur la question climatique, mais finalement n’aborde pas réellement la question du climat, ils ne prennent pas des mesures concrètes ou des réelles décisions. Les leaders politiques, selon elle, esquivent le fond du problème pour se concentrer sur la forme des mouvements citoyens.
Cette conférence de presse s’est terminée sur une réponse sèche de la part d’Anuna de Wever (l’une des responsables du mouvement des grèves scolaires en Belgique), à la question d’une journaliste qui voulait savoir quand elles allaient reprendre les cours. Elle a répondu, « la question n’est pas de savoir quand nous allons arrêter mais plutôt quand est-ce que les politiciens vont commencer ».
Greta Thunberg a ensuite quitter l’institution pour rejoindre la marche avec le même but, réclamer des mesures fortes contre le réchauffement climatique. Il y avait environ 7500 manifestants venant majoritairement de l’enseignement primaires, secondaires et supérieurs. L’hystérie provoquée par la présence de la célèbre écolière suédoise a quelque peu retardé la marche qui devait théoriquement démarrer à 13h. La jeune activiste, après cette marche, a ensuite quitté la Belgique, pour une marche qui avait lieu le lendemain à Paris.
La visite de Greta Thunberg à Bruxelles, était attendue par beaucoup de monde, journalistes, hommes politiques, mais aussi de nombreux activistes pour le climat qui attendaient un signal fort de la part de cette jeune porte-parole, symbole de la lutte contre le réchauffement climatique. Et ce signal fort, ils l’ont eu, d’abord à travers des messages coup de poing, des paroles fortes. Nous pouvons analyser sa visite en deux temps.
Tout d’abord une matinée avec les dirigeants politiques européens, ce qui explique que la sauvegarde de la planète ne peut avoir lieu qu’avec leurs concours, et que des décisions fortes s’imposent.
Et ensuite, l’après-midi dans la rue en faisant une grande marche avec les activistes pour le climat. Ce qui montre que la lutte, la protestation et la demande de grandes mesures par les gens de la société civile sont indispensables à la résolution de ce grand problème de société. Si l’on voulait résumer cette pensée, on pourrait dire que l’un ne peut faire sans l’autre.
Jean-Stanislas Bareth