Laissez-nous rêver
12 April 2019 /
© Anonymous Artist; Galleria Nazionale delle Marche- Palazzo Ducale di Urbino
Dans le cadre des élections européennes, les mouvements européens et européistes, composés surtout par des jeunes, se sont “réveillés” et ont commencé à manifester et à se battre pour qu’une nouvelle Europe voie le jour. Malgré un certain nombre d’exceptions, ces mêmes mouvements ont normalement été accueillis avec froideur et tachés d’être porteurs de visions “utopiques” qui ne mèneront à rien. On entend souvent dire : “La jeunesse, elle possède de beaux rêves qui restent, justement, des rêves. Mais si on veut vraiment obtenir quelque chose, il faut rester bien attachés à la réalité”.
Nous, on ne partage pas cet avis des “adultes”. Dans les limites du possible et de l’acceptable (pas de révolution genre prise de la Bastille) on ne devrait jamais dénigrer les “utopies”, surtout parce qu’elles représentent probablement la meilleure façon possible d’obtenir des résultats concrets et durables. Il ne s’agit pas, en effet, de “ rêver les yeux ouverts”, mais d’agir en ayant les pieds sur terre et de grands projets dans la tête. Et aussi paradoxal qu’il puisse paraître, il existe au contraire au moins deux raisons principales pour affirmer ça.
En premier lieu, certains “beaux rêves” du passé sont devenus aujourd’hui de solides réalités. Au XVème siècle, Leonardo Da Vinci imaginait l’homme capable de voler grâce à l’aide d’ une série d’incroyables machines qui étaient considérées bien bizarres à son époque . Pourtant, aujourd’hui l’avion est un des moyens de transport les plus utilisés et on peut arriver en Australie en approximativement 22 heures. Un exemple plus “politique”? On a rêvé d’une quelque forme d’union parmi les peuples d’Europe depuis très longtemps, il suffit de penser aux voeux et projets de philosophes et écrivains tels que Mazzini, Victor Hugo, Emmanuel Kant. Tous ces hommes avaient préconisé et souhaité la création d’une relation plus étroite entre les pays et les peuples d’Europe, dans l’espoir de guider le continent vers un futur de paix et prospérité. Et au-delà de la forme effective qu’elle a assumée, on y est arrivé. Qu’une utopie soit destinée à rester telle (et donc irréalisable) n’est pas du tout évident.
Mais au-delà de ça, il y a un autre facteur à prendre en considération. Bien qu’elle ne devienne pas une réalité, il faut pas sous estimer la valeur et l’importance de ce qu’on a atteint en poursuivant une utopie. Cette idée est applicable dans nombre de situations et vaut la peine d’être explorée. En effet, il s’agit de considérer les résultats obtenus dans une perspective historique. Pendant la révolution industrielle, quand il y a eu l’émergence de la question ouvrière, les hommes, les femmes et même les enfants travaillaient une moyenne de 12-16 heures par jour, dans des conditions misérables d’exploitation et indigence.
Á l’heure actuelle, malgré les problèmes qui persistent, (cela on ne peut mais surtout on ne veut pas le nier), les enfants ont la possibilité de fréquenter l’école, et des systèmes de protection sociale (pour faibles ou imparfaits qu’ils soient) comme le mécanisme de la retraite ou le système national de santé ont été mis en place partout en Europe. Ces conquêtes, qui ne correspondent peut-être pas au projet initial, ont pourtant amélioré la vie de millions de personnes et créé un futur plus radieux pour tous. Et de tout ça, il faudrait être fier.
Mais, surtout, il ne faut pas oublier que c’est exactement ce mécanisme, le fait d’agir en ayant des idées encore plus “grandes” dans la tête, qui nous a mené jusque là. Par conséquent, pour terminer notre petit discours, on voudrait revenir à Kant, qui observait comme “plus on améliore, plus on devient exigeant”. D’un coté donc, il ne faut pas se faire dévorer par la frustration relative, en dénigrant tout ce qu’on a accompli jusqu’à présent faute d’un égard d’ensemble, puisqu’il devient contre-productif (on arrête d’améliorer et on risque de perdre ce qu’on a déjà.). Au contraire, c’est exactement le moment où il ne faut pas baisser nos atteintes et nos projets, mais si possible les agrandir. On doit être stimulé par ce qu’on a déjà accompli pour essayer de mieux faire.
Parce que le problème existe, l’UE doit être réformée et beaucoup. Mais il faut avoir du vrai courage dans les réformes, et ne pas se faire prendre par les critiquer (c’est trop, c’est un rêve). L’histoire nous enseigne que l’utopie vaut la peine. Au lieu de dénigrer le rêves des autres, certains adultes pourraient au contraire s’inspirer des projets des jeunes et commencer à rêver, eux aussi, pour essayer de donner corps aux idées qu’ils ont dans la tête. Pour que l’utopie d’aujourd’hui soit la réalité de demain.
Béatrice Pepe