L’encadrement des produits cosmétiques, un règlement sous fond de teint

08 May 2017 /

Après des années de tractations quant à l’uniformisation des règles concernant les produits cosmétiques, la Communauté européenne a réussi à accoucher d’un règlement strict commun à tous (N°1223/2009). Cependant, aujourd’hui encore la colère des associations de consommateurs ne désamplifie pas. Quels en sont les principaux arguments et enjeux ?

Genèse d’une réglementation

Pour comprendre l’origine de la réglementation européenne des produits cosmétiques, nous devons retourner en 1972. Cette année marqua la France de l’un de ces plus gros scandales dans le domaine des cosmétiques. Suite à une intoxication au talc Morhange, plus d’une centaine de nourrissons furent contaminé  dont  36 trouvèrent la mort. À la suite de cet accident et sous l’impulsion de la France, la Communauté économique européenne réagit  avec la  Directive 76/798/CEE. Cette directive sera modifiée par la suite par 7 amendements et 60 adaptations suivant les avancés quant à la détection de toxicité de certaines substances à venir ou sur le marché (ECHA à partir de 2007). En 2009, la Commission européenne proposera de simplifier et d’uniformiser les 27 actes de transpositions nationales qui représentent plus de 3500 pages en un seul et unique règlement Européen (Règlement (CE) N°1223/2009). Ce règlement aura pour objectifs d’assurer un niveau élevé de sécurité des produits, une réduction des coûts pour les entreprises, une simplification des procédures et une rationalisation de la terminologie.

En ce qui concerne les allégations, elles se trouvent dans le Chapitre 6 Art. 20 de ce même Règlement. L’étiquetage ne pourra plus être utilisé pour attribuer à ces produits des caractéristiques ou des fonctions qu’ils ne possèdent pas; plus d’allégations trompeuses (code de la consommation DGCCRF); plus d’allégations évoquant des propriétés curatives ou préventives fausses. Dans cette lignée, le Règlement (UE) N°655/2013 explicitera les critères communs auxquels les allégations relatives aux produits cosmétiques doivent répondre : à une conformité avec la législation, véracité, éléments probants, sincérité, équité, choix en connaissances de cause.  Malgré toutes ces avancés dans le domaine de la sécurité sanitaire, les associations l’UFC-Que choisir et 60 millions de consommateurs après avoir sélectionné 185 produits vendus en grande surface en décembre 2015 et janvier 2016 dénonceront  notamment que  62 de ces produits contiennent des allergènes et que 101 produits recèlent également de perturbateur endocriniens et plus grave encore, que « huit lingettes pour bébé » des marques Bébé Cadum, Mixa, Nivea ou Pampers, (…) contiennent du phénoxyéthanol, un conservateur toxique pour le foie et le sang (Que choisir, 2016).

Un cadre réglementaire partiel et partial 

Si l’étiquetage (Chap VI art. 19 du Règlement de 2009) contient la liste complète des ingrédients sous leur dénomination INCI (International Nomenclature of Cosmetic Ingredients), il faudra une bonne dose de motivation et une connaissance du latin quand l’utilisateur voudra lire les ingrédients inscrits dans la composition de ses produits de beauté. De plus, peu d’informations sont données quant à la possible toxicité des ingrédients cités sur l’étiquette. C’est notamment le cas de la famille des parabens, puissants conservateurs qui se retrouvent dans la plupart de nos  produits cosmétiques comme les laits corporels, les crèmes visages et solaires, fond de teint et déodorants alors qu’ils sont considérés comme des perturbateurs endocriniens (Que Choisir, 2017).

On peut aussi noter  que si les lois sur l’étiquetage obligent les fabricants à inscrire la liste complète INCI de leurs ingrédients, certaines composantes peuvent être regroupées sous un nom générique. C’est le cas du parfum ou fragrance dont les ingrédients synthétiques sont non identifiables.  Dans ces dizaines de substances toxiques, citons seulement le phtalate de diéthyle, utilisé pour augmenter la persistance de la charge odorante et qui  interfère avec certaines fonctions hormonales (DG Environement, 2000), diminue la quantité de spermatozoïdes chez les hommes, crée des problèmes de développement des fœtus mâles et d’autres problèmes de santé (Griffin, 2007). De plus, les produits dits frontières dont la caractérisation comme produit cosmétique ne va pas de soi, peuvent être catégorisés par exemple comme jouets, produits biocides ou produits pharmaceutiques et ainsi passer entre les mailles des réglementations contraignantes (EcoMundo, 2015).

Enfin, si les études toxicologiques demeurent primordiales et garantissent au consommateur qu’il achète un produit sûr, celui-ci ne s’avère pas forcément efficace. La qualité d’un produit cosmétique dépend essentiellement de la pureté de ses constituants de base (excipients, base lavande) et non des principes actifs mis en valeur sur l’étiquette, qui représentent un pourcentage infime de la composition totale du produit. Contrairement à ce que nous dicterait l’imaginaire collectif, les allégations cosmétiques contenant de nombreuses composantes ne seraient guère synonyme d’efficacité ou de qualité, bien au contraire, elles augmenteraient principalement les risque d’allergies. Il en va de même pour certains termes comme «  hypoallergénique » ou labels de  « développement durable » qui à défaut de valeurs légales agiraient plus sur le contenant que sur le contenu. Des emballages recyclés ne transforment pas les produits qu’ils contiennent en produits durables. (Prioriterre, 2010 et COSMETOX de Greenpeace, 2006).

Une volonté incomplète de la Commission

La Commission européenne a publié le 19 septembre 2016 un rapport concernant l’utilisation des allégations sur la base des critères communs adoptés au titre du règlement (UE) n° 655/2013. Ce rapport a été effectué sur la base des données fournies par 21 Etats membres. Il en ressort que parmi les 33 995 allégations analysées en 2014 et 2015, 10 % ont été considérées comme non conformes. Notamment, il y a un manquement pour 16 Etats en ce qui concerne des allégations relatives aux effets du produit (par exemple, dans le cas où un produit ne pourrait pas être efficace en raison de la faible concentration de la substance concernée et que le fabricant ne soit pas en mesure de fournir suffisamment de preuves au regard de la fonction alléguée) ou encore 10 Etats pour des allégations aux propriétés médicinales des produits ( allégations fausses concernant des effets thérapeutiques pour la peau, la circulation du sang, des muscles, des articulations, etc.). (Commission européenne, 2016 et Observatoire des cosmétiques, 2016)

Si ces éléments sont encourageants, nous ne devons pas perdre de vue que les recommandations de ce rapport sont des minimaux sanitaires et restent donc incomplètes. En effet, le rapport de la Commission ne préconise pas une compréhension plus accessible des étiquettes, un taux de toxicité sur les étiquettes (y compris à long terme), le non rassemblement de composantes toxiques, la création d’une législation sur les produits frontières et un étiquetage plus intelligent et véridique (labels verts).

Nous l’avons vu tout au long de cet article, la réglementation européenne reste incomplète. Il serait dès lors judicieux de se tourner vers des guides de consommation émergeant de la société civile et plus particulièrement des associations de consommateurs pour se prémunir de tout danger et pour une consommation intelligente. Pour aller plus loin, voir la carte repère des molécules toxiques du site Que Choisir et le Cosmetox de Greenpeace ou encore l’ouvrage Le guide cosmétique bio de Anne Ghesquière et Eve Demange.

Thibault Koten est actuellement étudiant en seconde année de Master en Relations internationales à l’Université libre de Bruxelles.

Cet article est écrit dans le cadre  de la XX ième édition de la SPECQUE (Simulation du Parlement européen Canada-Québec-Europe) qui se déroulera  entre le 30 juillet au 6 août 2017 à Prague. L’article porte sur la  Proposition de règlement relative aux allégations portant sur les produits cosmétiques (Commission IMCO) de Camille Spriet. Pour plus d’informations : http://www.specque.org/

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