Un partenariat stratégique pour renforcer les relations UE-Maroc: 500 millions d’euros pour 5 nouveaux projets
26 June 2023 /
Fatima Dennaye 4 min
« Le Maroc est un partenaire stratégique de l’UE. Nous nous entraidons en ces temps difficiles et travaillons ensemble pour notre prospérité et notre sécurité communes. »
C’est ce qu’a tweeté le 2 mars dernier Olivér Várhelyi, commissaire européen à la Politique de voisinage et à l’Élargissement, parti en mission au Maroc. Cette visite, qui a été fructueuse, s’est clôturée par la signature de cinq programmes d’une valeur de 500 millions d’euros portant sur la protection sociale, la transition verte, la réforme de l’administration publique, l’inclusion financière et la gestion de la migration.
Sans surprise, le programme bénéficiant de l’enveloppe financière la plus importante est celui sur la migration, qui vise à renforcer la gestion des frontières du Maroc dans la lutte contre les réseaux de passeurs et la réintégration des migrants irréguliers dans leur pays d’origine. En effet, ces dernières années la migration a dominé une grande partie de l’agenda européen. Si l’on considère que la route de la Méditerranée occidentale est devenue la principale voie de transit vers l’Europe, on comprend mieux en quoi le Maroc est un allié indispensable.
En deuxième position en termes de budget, figure le programme KARAMA/ كرامة (mot arabe désignant la dignité) qui soutient une réforme majeure de la protection sociale, y compris des actions visant à garantir l’égalité d’accès à la couverture sanitaire universelle, aux allocations familiales, au chômage et aux pensions de la population marocaine.
Dans le cadre du partenariat vert UE-Maroc a été signé le programme Al Ard Al Khadra/ الأرض الخضراء (terre verte), dont la vocation est de soutenir les aspects écologiques et innovants de deux stratégies nationales, “Génération Verte” et “Forêts du Maroc”, tout en favorisant l’inclusion sociale et économique des populations rurales.
Vient ensuite le programme de réforme de l’administration publique, conçu pour garantir l’accès et la qualité des services publics aux citoyens et aux entreprises, grâce à la simplification et à la numérisation des procédures administratives.
Enfin, le programme de renforcement de l’inclusion financière vise à améliorer l’accès au financement pour les PME et les start-ups et cible spécifiquement les populations vulnérables.
Tout cela est bien beau, mais il faudrait peut-être s’interroger sur le timing de cette coopération. Pourquoi tant de hâte à signer ces programmes et à réaffirmer l’amitié euro-marocaine ?
Un partenariat qui tombe à point nommé?
Il convient de replacer cette coopération dans un contexte bien plus large qui révèle un climat tendu entre Rabat et Bruxelles. En effet, la visite du commissaire Várhelyi a eu lieu après la résolution non contraignante adoptée le 19 janvier par la majorité de députés européens à Strasbourg.
Les eurodéputés ont invité le Maroc à respecter la liberté d’expression et la liberté des médias, en dénonçant le cas de trois journalistes emprisonnés, et ont exprimé leur inquiétude quant aux allégations d’implication des autorités marocaines dans une affaire de corruption avec certains d’entre eux, à l’instar de l’affaire du Qatargate.
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La réponse du Maroc ne s’est pas faite attendre : le 23 janvier le Parlement marocain a adopté à son tour une résolution menaçant de revoir ses relations avec l’institution européenne, suite aux accusations qu’il a démenties.
A l’occasion de la séance d’ouverture de la 17ème session de l’Assemblée Parlementaire de la Méditerranée, le Président de la Chambre des Représentants Rachid Talbi El Alami a également souhaité s’exprimer sur la résolution adoptée par le Parlement européen en rappelant que « les partenariats ne vont pas de pair avec les propensions à donner des leçons, et avec les tendances patriarcales, arrogantes et de tutelle ».
Mais ce n’est pas tout, d’autres dossiers comme l’affaire d’espionnage Pegasus affectent la relation et alimentent les tensions entre les deux entités.
Reste donc à savoir si ce partenariat économique est une tentative d’apaiser les tensions ou s’il reflète une réelle volonté d’approfondir une relation qui a mis plusieurs décennies à se construire. Ce qui est certain, c’est que nous sommes loin de la fin d’une collaboration, dans la mesure où l’on parle déjà d’une coopération trilatérale.
Coopération trilatérale avec Israël
Lors de la visite à Rabat, le commissaire Várhelyi et le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, ont également annoncé une coopération régionale trilatérale avec Israël. Cette coopération triangulaire entre le Maroc, Israël et l’UE a pour but de relever des défis importants dans trois domaines d’intérêt commun, notamment la gestion de l’eau, la recherche et le développement.
Depuis le rétablissement des relations diplomatiques en 2020, le partenariat entre le Maroc et Israël s’inscrit dans une continuité à laquelle l’UE souhaite contribuer.
Quelles perspectives d’avenir?
L’avenir des relations UE-Maroc dépendra de la capacité des deux parties à travailler ensemble et à trouver des accords mutuellement bénéfiques pour renforcer les partenariats et relever les défis actuels. Les enjeux tels que la migration, le réchauffement climatique et la crise énergétique constituent les défis majeurs qui nécessitent une réponse commune et coordonnée de la part de la communauté internationale, y compris de l’UE et du Maroc.