Union Européenne, Chine et Afrique : visions différentes sur le même continent
23 June 2023 /
Carmen Noviello 4 min
Notre histoire a été marquée par les terribles ambitions coloniales et néo-coloniales européennes en Afrique, considérées encore comme les causes principales du difficile essor économique du continent. On ne peut pas oublier ces pages noires de notre passé et les responsabilités de l’Occident, mais on dit que « Historia magistra vitae », l’Histoire est maîtresse de la vie, et qu’elle devrait nous guider vers un futur différent. Mais est-ce qu’on a tous la même vision ?
Dans un monde en constante évolution, l’Afrique devient de plus en plus importante en termes démographiques et économiques. L’ONU estime qu’en 2100, 4 habitants sur 10 seront africains et tout le monde a pris conscience de l’impact de l’élargissement du continent sur la scène internationale.
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Le franc CFA et les investissements chinois… un déjà-vu ?
Les fautes occidentales en Afrique ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Cependant, certains sont d’avis que le colonialisme du XIXe siècle ne s’est jamais terminé et qu’il survit sous des nouvelles formes de dépendance commerciale.
Un exemple clair de ces théories est le franc CFA. Initialement acronyme de « Colonies françaises d’Afrique », le franc CFA est le nom des deux monnaies communes aux 14 pays africains qui font partie de la zone franche. Cette monnaie représente encore un instrument de contrôle de la France sur ses anciennes colonies, car elle permet d’en réorienter les ressources.
Aujourd’hui les affaires économiques françaises en Afrique ont été déstabilisées par la concurrence chinoise. Depuis 12 ans, la Chine est le premier partenaire commercial du continent. Selon une étude publiée par le Center for Global Development, les banques chinoises ont prêté plus de deux fois plus pour des projets d’infrastructures en Afrique par rapport aux institutions de financement du développement des États-Unis, de l’Allemagne, du Japon et de la France réunies.
L’action économique de Pékin n’est pas un acte de solidarité. Les relations commerciales entre les deux partenaires sont décrites par l’expression du « piège de la dette », car si les pays africains ne sont pas capables d’honorer leurs dettes envers la Chine, cette dernière pourra décider de gérer partiellement ou entièrement les infrastructures réalisées et influencer les décisions politiques des gouvernements concernés.
Ce projet fait partie du grand plan de la route de la soie, ou « Belt and Road initiative », une initiative commerciale pour répandre l’influence chinoise en Asie et en Europe.
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Aide multiple et constructive, l’approche européenne
Mais quelle est l’approche européenne dans ce cadre ? Est-ce que l’Europe adopte les mêmes stratégies géopolitiques chinoises ?
L’Union a progressivement modifié son approche à la politique de développement dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique).
La Convention de Cotonou a été adoptée en 2000 ; ses conditions qui devaient expirer en 2020, ont été prolongées dans l’attente d’un accord sur un nouveau projet commun. L’Union n’est plus concentrée seulement sur le développement économique, mais l’objectif principal de ses politiques est la réduction de la pauvreté. Grâce à une approche à plusieurs vitesses, l’accord prévoit une allocation de l’aide basée sur la différenciation et la performance des États. Ce mécanisme permet aux gouvernements qui reçoivent le soutien économique de s’engager activement dans l’investissement optimal des aides européennes.
Il est clair que la perspective européenne s’oppose à celle chinoise : l’Union ne s’arrête pas à une simple intervention unilatérale, mais elle va bien plus loin pour construire une vision conjointe avec les pays africains sur les objectifs et les politiques de développement.
La stratégie commune UE-Afrique est accompagnée du paquet d’investissement Global Gateway, un plan finalisé pour accélérer la transition énergétique, la croissance du travail décent et à améliorer instruction et formation.
Les plus attentifs ont décelé des failles dans la stratégie européenne. En effet, les conditionnalités économiques sont parfois considérées comme un moyen de renforcement des déséquilibres entre les pays africains plus et moins industrialisés. En plus, l’UE est accusée d’utiliser les politiques d’investissement européennes pour financer et soutenir les entreprises européennes en Afrique, plutôt que de favoriser les entreprises des pays africains.
Le partenariat UE-Afrique
Ce bref panorama historico-politique nous montre que les politiques d’investissement peuvent prendre différentes formes. D’un côté, il y a l’intervention unilatérale chinoise autoréférentielle et finalisée visant à renforcer Pékin plutôt qu’à aider les pays africains; en plus, quelques pays essaient encore de tenir un contrôle politique et stratégique sur le continent. De l’autre côté, l’Union Européenne promeut des plans d’action mutuels et bilatéraux.
L’Union Européenne et les pays africains partagent un projet de partenariat qui englobe les différentes facettes de la société, de l’industrie, des institutions pour construire un dialogue continu et concret.
Au niveau institutionnel, les réunions triennales des chefs d’État et de gouvernement sont accompagnées par des forums ministériels, des rencontres entre la Commission européenne et la Commission de l’Union Africaine pour échanger des points de vue et faire progresser la coopération dans certains domaines. De plus, les organisations de la société civile, les jeunes, ainsi que les autorités locales et les entreprises sont impliquées dans les discussions avec les plateformes européennes “pourdynamiser– comme l’a dit la Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen en occasion de la présentation de travail de la Commission en 2020- les relations économiques, créer des emplois sur les deux continents et approfondir le partenariat dans tous les domaines”.
[Cet article est paru dans le numéro 38 du magazine]